Taux de TVA

Quel est le taux de TVA applicable à la vente de sushis ?

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Le taux de TVA applicable à la vente de sushi fait l’objet d’une saga qui a donné lieu à plusieurs décisions jurisprudentielles et prises de positions officielles ou officieuses de l’administration fiscale.

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Avec un chiffre d’affaires de 728 millions d’euros pour les restaurants de sushis, on comprend très rapidement en quoi la question de la TVA constitue un enjeu stratégique aussi bien pour les opérateurs du marché que pour les consommateurs finaux.  

Appliquer le taux de TVA de 10% en lieu et place du taux de TVA de 5,5% peut avoir deux impacts :

  • soit augmenter le prix de vente au consommateur afin que le vendeur conserve un niveau de marge inchangé. C’est alors le consommateur qui subit le différentiel de taux de TVA.  
  • soit diminuer la marge du vendeur afin de maintenir le coût pour le consommateur inchangé. C’est alors le vendeur qui subit le différentiel de taux de TVA.  

Dans une décision Sushi Saint-Cloud, en date du 18 juin 2023 (lien), le Conseil d’Etat est venu mettre à mal les règles de taux de TVA applicables à la vente de sushis en précisant que « les sushis frais, quel que soit leur conditionnement ou leur lieu d’achat, doivent être regardés comme des produits préparés en vue d’une consommation immédiate ».

Avant de s’intéresser au cas de l’espèce, revenons aux règles qui régissent les taux de TVA applicables en matière alimentaire. Celles-ci sont précisées par les articles 278-0 bis et 279 du Code général des impôts ainsi que par la doctrine administrative (BOI-TVA-LIQ-30-10-10-20240207).  

De manière schématique, il est possible de présenter les éléments de la façon suivante :

  • Règle de principe : les produits alimentaires destinés à une consommation humaine  sont soumis au taux de TVA de 5,5%. Attention : il s’agit d’une règle de principe qui souffre de nombreuses exceptions. L’alcool par exemple est dans tous les cas soumis au taux de TVA de 20% tout comme le caviar ou les confiseries.  
  • Dérogation applicable aux activités de restauration : les activités de restauration sont soumises par principe au taux de TVA de 10% sauf lorsqu’il s’agit d’alcool où le taux de TVA de 20% s’applique.  
  • Dérogation applicable à la vente à emporter : certains produits vendus à emporter peuvent bénéficier du taux réduit de TVA de 5,5% dès lors qu’ils ne sont pas préparés en vue d’une consommation immédiate. C’est le cas par exemple des glaces vendues conditionnées, des plateaux de fruits de mer, du pain et de viennoiseries.

Vous comprenez ici l’enjeu fondamental qui se pose pour certains acteurs du secteur alimentaire.  

Cet enjeu réside dans la question suivante : les produits qui sont commercialisés sont-ils destinés à une consommation immédiate ou bien à une consommation différée.

Et pour ce faire il faut examiner les critères qui permettent de considérer qu’un produit est destiné à une consommation sur place ou à emporter.  

Quels sont les critères à retenir pour déterminer le taux de TVA ?

Pour qu’un produit soit destiné à une consommation différée, l’administration fiscale précise que ce dernier doit être vendu sous un emballage permettant sa conservation (notamment, les conserves ou emballages sous vide). Tel est notamment le cas des boissons non alcooliques servies dans des contenants permettant leur conservation, tels que les bouteilles, fûts, briques ou canettes (BOI-TVA-LIQ-30-10-10-20240207 paragraphe 330).  

C’est également le cas des ventes de plats cuisinés, notamment par les traiteurs, sous réserve qu’ils puissent être conservés ultérieurement et non consommés sur place.

L’administration fiscale souligne que les caractéristiques du lieu peuvent être prises en compte pour caractériser l’existence d’une consommation immédiate. Tel est le cas lorsqu’il ressort de ces caractéristiques que les biens vendus sont destinés à être consommés sur place.  

Quel est le taux des sushis en matière de TVA ?

L’administration fiscale avait garanti l’application du taux réduit de TVA de 5,5% pour les sushis vendus en grande surface dans un rescrit daté du 29 juin 2022.  

L’administration précise ainsi dans sa doctrine qu’est soumise au taux de TVA de 5,5% :  

«  la vente aux clients finaux par une grande surface de sushis et makis frais présentés à la vente dans des rayons réfrigérés, conformément à la réglementation sanitaire et emballés dans des barquettes équipées d’un couvercle amovible ou tout autre contenant permettant leur transport, à emporter conditionnés dans un emballage permettant leur transport et une consommation différée, sans possibilité matérielle de consommation sur place ».

Plusieurs critères sont ici utilisés pour justifier l’application du taux réduit de TVA :  

  • Le fait que les sushis sont vendus dans une grande surface ;
  • Le fait que les sushis sont vendus dans une barquette permettant leur transport et une consommation différée (une fermeture hermétique n’est toutefois pas exigée) ;
  • Le fait que les consommateurs ne disposaient pas de possibilité matérielle de consommation sur place.  

Sur la base de ce BOFiP, la vente de sushi en grande surface est donc soumise au taux réduit de TVA de 5,5% sans risque de remise en cause par l’administration fiscale.  

La pratique a démontré toutefois que bon nombre de restaurants ou de services de livraison à domicile, invoquant les termes de ce BOFIP, appliquaient le taux réduit de TVA de 5,5% pour la vente à emporter de sushis dès lors qu’ils considéraient que ces produits n’étaient pas consommés sur place et que le consommateur était mis en situation de les consommer de manière différée.  

Cette situation a conduit à de nombreux contrôles fiscaux et parfois des positions différentes des services en charges des contrôles :  

  • Certains, considérant que les sushis vendus par les restaurants devaient nécessairement être soumis au taux de TVA de 10% dès lors que le BOFIP ne s’appliquait qu’aux grandes surfaces,  
  • d’autres, considérant au contraire que les sushis à emporter pouvaient bénéficier du taux réduit de 5,5% quand bien même ils étaient vendus par les restaurants, dès lorsqu’ils pouvaient être destinés à une consommation différée et qu’ils ne devaient pas être consommés sur place.  

Quels enseignements tirer de la décision du Conseil d’Etat ?

Avant de tirer les enseignements de la décision du Conseil d’Etat, il convient de rappeler que la décision a été rendue antérieurement à la publication du BOFIP, c’est-à-dire qu’à l’époque des faits, l’administration n’avait pas publiquement indiqué que les sushis vendus en grande surface bénéficiaient du taux réduit de TVA de 5,5%.  

Avant que le Conseil d’Etat ne statue, la Cour Administrative d’Appel de Versailles (lien) avait quant à elle considéré le 23 mai 2023 que les sushis devaient être regardés de par leur nature, comme des produits préparés en vue d’une consommation immédiate, quand bien même les produits vendus à emporter pouvaient être conservés au réfrigérateur sans risque sanitaire pour les clients pendant deux ou trois jours.  

Les juges avaient d’ailleurs considéré que les barquettes, qui étaient non hermétiques, utilisées pour conditionner ces produits avaient pour but exclusif de faciliter leur transport et non d’améliorer de manière notable leur conservation.  

En conséquence, les sushis étaient destinés à une consommation immédiate et le taux de TVA devait être celui de 10%.

La décision du Conseil d’Etat rappelle que les produits alimentaires préparés en vue d’une consommation immédiate s’entendent des produits dont la nature, le conditionnement ou la présentation induisent leur consommation dès l’achat.  

Le Conseil d’Etat indique toutefois que pour les sushis frais, ces derniers, quel que soit leur conditionnement ou leur lieu d’achat, doivent être regardés comme des produits préparés en vue d’une consommation immédiate.  

Dès lors, ces produits doivent être soumis au taux de TVA de 10%.  

Point important : le Conseil d’Etat considère comme surabondant le fait que les sushis étaient présentés dans des barquettes non hermétiques qui ne permettaient pas d’améliorer la durée de conservation des sushis.  

Autrement dit, le Conseil d’Etat adopte une approche purement objective des sushis en considérant que ces produits sont par nature destinés à la consommation immédiate et que ni leur mode de consommation ni leur lieu d’achat ne permettent d’appliquer un taux réduit de TVA de 5,5%.

Une telle décision pose plusieurs questions :

  • En premier lieu elle interroge sur la position que va adopter l’administration fiscale quant à son BOFiP permettant aux grandes surfaces de bénéficier du taux réduit de TVA dès lors que le Conseil d’Etat considère que le lieu de vente ne permet pas de justifier l’application du taux réduit de TVA de 5,5%. Certains arguments pourraient être employés afin de maintenir une telle position en dépit de la position du Conseil d’Etat.
  • En deuxième lieu, cette décision interroge sur la question du conditionnement. En effet, la doctrine administrative prévoit que des produits vendus sous un emballage permettant leur conservation peuvent bénéficier du taux réduit de TVA de 5,5%. Alors que la décision du Conseil d’Etat ne porte que sur des sushis, il conviendrait de surveiller que cette position ne soit pas lue de manière extensive au risque de voir d’autres produits comparables aux sushis bénéficier du même sort en dépit de leur conditionnement dans des emballages hermétiques.  

En tout état de cause, les grandes surfaces gardent la possibilité d’invoquer la doctrine de l’administration fiscale qui lui reste opposable à compter de sa publication.  

S’agissant des restaurants vendant des sushis, ces derniers doivent dès à présent prendre la mesure de la décision du Conseil d’Etat afin de s’assurer qu’ils appliquent correctement le taux de TVA de 10% sur la vente de sushis, quand bien même ces sushis seraient vendus à emporter.  

La réaction de la DGFiP

Le 21 août 2024, l'administration a retiré le BOFiP concerné. La position publiée initialement ne sera donc plus opposable à compter du 31 septembre 2024 (BOI-RES-TVA-000112-20240821).

Les opérateurs doivent donc adapter le taux applicable dès cette date.

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Les rédacteurs

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Grégoire Person

Avocat associé

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Thomas Le Boucher

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