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Le 20 mars 2025, la Cour administrative d’appel (CAA) de Douai a rendu un arrêt particulièrement instructif en matière de TVA applicable aux prestations afférentes aux opérations d’assurance. Cette décision, SARL GID Assurances c/ Ministère de l’Économie, illustre avec clarté les risques fiscaux bien réels auxquels peuvent être exposés les courtiers et intermédiaires en assurance, notamment lorsqu’ils recourent à des prestataires étrangers.
La société GID Assurances, courtier français en assurances, a été contrôlée pour les exercices 2016 à 2018. À l’issue de la vérification, l’administration fiscale a remis en cause l’exonération de TVA appliquée à des prestations réalisées par trois prestataires étrangers (Tunisie, Israël, Royaume-Uni). Ces derniers intervenaient dans des missions de prospection téléphonique, avec pour objectif de présenter les produits d’assurance de la société et de générer des rendez-vous qualifiés pour ses équipes commerciales.
Conformément à l'article 283 du CGI, si ces prestations n'étaient pas éligibles à l'exonération de TVA, le preneur devait autoliquider la TVA. Compte tenu de ses droits à déduction limités, l'opérateur n'avait pas intérêt à autoliquider cette TVA.
La société soutenait que ces missions relevaient de l’intermédiation, au sens de la directive TVA et de la jurisprudence européenne (CJUE, Aspiro, C-40/15). Elle s’appuyait également sur :
La Cour rejette l’analyse de la société. Elle considère que les prestataires :
En conséquence, la Cour considère qu’il ne s’agit pas d’une mission d’intermédiation autonome, mais d’une assistance commerciale à l’activité du courtier, ce qui ne relève pas de l’exonération prévue par l’article 261 C, 2° du CGI.
La Cour fait une lecture stricte de l’arrêt Aspiro, précisant qu’un sous-traitant doit participer de manière directe à la conclusion du contrat d’assurance pour prétendre à l’exonération.
Cette interprétation nous paraît restrictive, d’autant que ni le BOFiP ni la jurisprudence européenne ne retiennent expressément le critère de la participation à la finalisation des contrats : le BOFiP précise que la participation à la signature n’est pas une condition. Le BOFiP vise à ce titre la prospection à la demande de l'assureur sur la base d'un script de vente ou une démarche de télémarketing.
L’administration et la Cour considèrent qu’il convient également que l’intermédiaire participe aux travaux de prospection jusqu’à la conclusion du contrat.
Elles ont probablement estimé que les prestataires jouaient un rôle équivalent à celui d’un simple opérateur téléphonique, et non à celui d’un véritable courtier en assurance. Ils agissaient à ce titre comme sous-traitants de centres d’appels. L’analyse aurait sans doute été différente si l’opérateur avait été chargé de prospecter des clients spécifiques, non identifiés à l’avance.
La Cour a probablement jugé au cas d’espèce, en considérant que l’externalisation d’une partie de l’activité d’intermédiation (l’activité d’appel à froid par des call centers) ne devait pas être éligible à l’exonération.
Pour qu'un intermédiaire en assurance puisse bénéficier de l'exonération de TVA, il doit remplir deux conditions essentielles :
L'administration a déjà fourni de nombreuses précisions à ce titre (voir notre article précédent).
Ainsi, il est impératif que les sous-traitants disposent :
Il ne doit pas s'agir uniquement de réaliser une fonction simple de téléphonie pour le compte d'un autre courtier.
Même s’ils interviennent dans le cadre d’une activité de courtage, les prestataires doivent exercer une mission assimilable à celle d’un courtier ou d’un intermédiaire. L’assistance administrative ou la simple génération de leads ne suffit pas.
Cette affaire illustre la vigilance croissante de l’administration fiscale en matière de qualification des prestations exonérées, en particulier dans le secteur de l’assurance, souvent soumis à une forte externalisation des fonctions commerciales.
L'arrêt CAA Douai, 20 mars 2025, constitue un signal fort à destination des professionnels du secteur de l’assurance. Il confirme une approche restrictive de l’administration — et désormais du juge — quant à l’exonération de TVA prévue à l’article 261 C du CGI. Une revue approfondie des pratiques contractuelles et opérationnelles est indispensable pour sécuriser les dispositifs existants.
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