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L'exonération de TVA dans le domaine de l'assurance est un sujet complexe qui fait l'objet de nombreuses évolutions jurisprudentielles et administratives. La fiscalité des opérations d'assurance repose sur des règles spécifiques qui visent à éviter toute distorsion de concurrence entre les acteurs du secteur. En effet, contrairement aux autres prestations de services soumises au régime de droit commun, les prestations d'assurance bénéficient, dans la plupart des cas, d'une exonération de TVA.
La mise en œuvre de cette exonération suscite régulièrement des interrogations, notamment en ce qui concerne les prestations réalisées par des courtiers, agents généraux et autres intermédiaires en assurance. Ces derniers exercent une diversité d'activités allant de la simple mise en relation des parties à la gestion complète des contrats et des sinistres. Dès lors, il est crucial d’identifier précisément les conditions dans lesquelles l’exonération de TVA peut s’appliquer et d’en connaître les limites afin d’éviter toute erreur de qualification fiscale.
Cet article vise à clarifier les conditions d'application de cette exonération, en s'appuyant sur les dernières mises à jour du BOFiP et les arrêts de la CJUE. Nous examinerons les fondements juridiques de l'exonération, les conditions spécifiques applicables aux intermédiaires en assurance, ainsi que les cas particuliers qui font l'objet d'une attention particulière de l'administration fiscale. Enfin, nous fournirons des recommandations pratiques permettant aux professionnels du secteur d'éviter les risques de requalification et d’optimiser leur gestion fiscale.
L'article 261 C, 2° du Code général des impôts (CGI) prévoit une exonération de TVA pour les activités liées à l'assurance et à la réassurance. Cette exonération s'applique aux opérations qui relèvent directement de la distribution et de la gestion des contrats d'assurance.
Avant 2022, l'administration fiscale considérait que l'exonération était principalement conditionnée au statut réglementaire de l'opérateur. Toutefois, à la suite des arrêts de la CJUE (notamment l'arrêt Aspiro du 17 mars 2016, C-40/15), une approche plus objective a été adoptée. Désormais, l'administration analyse la nature des prestations pour déterminer si elles relèvent de l'activité d'un intermédiaire en assurance.
Les opérations qui peuvent bénéficier de l'exonération sont larges.
Les prestations exonérées concernent essentiellement :
En revanche, certaines prestations restent soumises à la TVA, notamment :
Les courtiers en assurance jouent un rôle essentiel dans la distribution et la gestion des contrats d'assurance. Leurs activités incluent :
Cette exonération s’applique également aux services connexes fournis par les courtiers et intermédiaires en assurance. A ce titre, pour que l’exonération s’applique, il convient de déterminer si l’offre constitue une opération complexe : si elle en constitue une et que les services annexes sont accessoires, ces derniers bénéficient, par attraction, de l’exonération applicable aux opérations d’assurance (article 257 ter du CGI - voir ci-dessous).
Pour qu'un intermédiaire en assurance puisse bénéficier de l'exonération de TVA, il doit remplir deux conditions essentielles :
L’activité d’intermédiation implique de mettre en relation les parties afin que ces derniers concluent un contrat sans avoir pour autant un intérêt direct.
L’administration fiscale précise que la relation entre un intermédiaire en assurance, l’assureur et l’assuré peut être indirecte, notamment lorsque le prestataire agit en tant que sous-traitant d’un courtier ou d’un autre intermédiaire.
Ainsi, lorsqu’un courtier-grossiste délègue des éléments essentiels de son activité à des mandataires en relation directe avec le client, l'opération bénéficie de l'exonération.
Dans certains cas, plusieurs courtiers peuvent être impliqués dans une même opération :
L’administration prévoit également que l’exonération peut s’appliquer lorsqu’un courtier gère ou exploite un portefeuille de courtage qui ne lui appartient pas, à condition que ce portefeuille soit détenu par un courtier qui agit bien comme intermédiaire en assurance.
La doctrine administrative rappelle que cela recouvre « la recherche de clients et la mise en relation de ces derniers avec l’assureur, en vue de faire aboutir la souscription de contrats d’assurance (prospection) » (BOI-TVA-CHAMP-30-10-70 n° 80).
Il s'agit ainsi :
L'exonération s'étend aux services connexes fournis par les courtiers et intermédiaires en assurance si :
Ainsi, lorsqu'un intermédiaire propose un service global comprenant des prestations d'assurance et des prestations accessoires, ces dernières peuvent bénéficier de l'exonération de TVA par attraction.
Certaines prestations restent soumises à la TVA, même si elles sont liées au secteur de l'assurance dès lors qu'elles ne sont pas réalisées par un courtier ou intermédiaire d'assurance mais également lorsqu'elles ne sont pas accessoires à une opérations d'assurance.
Cela couvre :
L'administration a publié en juillet 2024 un rescrit précisant la portée de l'exonération dans le cadre des activités de co-courtiers (BOFiP BOI-RES-TVA-000148-20240724).
Dans un schéma de co-courtage, les co-courtiers gestionnaires collaborent avec les co-courtiers apporteurs pour gérer des contrats d’assurance collective souscrits par des clients.
Ils assurent l’ensemble des opérations de gestion, notamment :
Leur rémunération, calculée en pourcentage de la prime hors taxes versées par le client à l’assureur, couvre l’ensemble des prestations. Elle peut également inclure une rétrocession sur la commission d’entremise perçue par l’apporteur.
Étant donné leur rôle actif dans l’affiliation et la renégociation des contrats, les co-courtiers gestionnaires peuvent être qualifiés d’intermédiaires d’assurance. Dès lors, leurs prestations bénéficient de l’exonération de TVA prévue à l’article 261 C, 2° du CGI.
Les contours de cette position de l'administration fiscale laissent toutefois planer des doutes sur ce que recouvrent certains éléments visés dans la doctrine (participations conjointes, gestion de l'affiliation, ...). Une étude au cas par cas est nécessaire pour s'assurer de bien rentrer dans le champ de l'exonération.
Lorsqu’un co-courtier gestionnaire intervient dans la présentation d’une offre d’assurance complète (incluant la couverture des risques et la gestion), cette activité peut être qualifiée de prospection, même en l'absence de rémunération spécifique.
Son rôle peut inclure :
Dès lors que cette intervention contribue à la distribution des contrats, elle est considérée comme une prestation afférente à une opération d’assurance et bénéficie ainsi de l’exonération de TVA prévue à l’article 261 C, 2° du CGI.
Un courtier gestionnaire peut être sollicité par un assureur dans le cadre d’un partenariat, hors schéma de co-courtage, afin d’optimiser la gestion des prestations. Cette collaboration est fréquente lorsqu’un assureur répond à un appel d’offres public pour mettre en place des couvertures santé obligatoires (PSC) destinées aux agents de l’État.
Dans ce cadre, le courtier gestionnaire :
Ces activités établissent un lien avec l’assuré et relèvent des prestations caractéristiques d’un intermédiaire d’assurance. Dès lors qu’elles participent à la distribution et à la gestion des contrats, ces opérations peuvent bénéficier de l’exonération de TVA prévue à l’article 261 C, 2° du CGI.
Lorsque la gestion de contrats s’effectue en dehors d’un schéma de co-courtage et que le gestionnaire ne peut être qualifié d’intermédiaire d’assurance, les prestations concernées sont soumises à la TVA.
Dans les situations où un même gestionnaire intervient sur des contrats relevant de l’exonération et d’autres considérés comme de simples services d’appui ou d’intendance, une analyse au cas par cas est nécessaire. Cette analyse doit tenir compte des relations contractuelles entre l’assureur, les co-courtiers apporteurs et les gestionnaires pour déterminer le régime de TVA applicable à chaque prestation.
La publication de l'administration de ce fameux rescrit offre aux contribuables l'opportunité d'opposer l'interprétation publiée par l'administration fiscale sur la base de l'article L80 B du LPF.
Toutefois, chaque situation étant propre et le rescrit étant général sans être assez précis concernant certaines notions ("distribution", intervention conjointe, ...), une analyse au cas par cas doit être réalisée pour éviter d'étendre la portée du BOFiP qui, par principe, n'a pas d'esprit.
Il est essentiel d’identifier précisément les prestations réalisées et d'identifier si elles sont réalisées dans le cadre d'une opération d'intermédiation. Ainsi, elles pourraient être couvertes par l'exonération de TVA.
Les contrats doivent donc être structurés en conséquence.
Les contrats doivent détailler les services fournis et préciser leur lien direct avec une opération d’assurance.
Face aux incertitudes, il peut être recommandé de solliciter un rescrit fiscal afin de sécuriser l’application de l'exonération de TVA.
L'exonération de TVA dans le secteur de l'assurance repose sur une analyse fine des activités exercées. Si les intermédiaires remplissent les critères définis par l'administration, leurs prestations peuvent être exonérées. Toutefois, une vigilance accrue est requise quant à la structuration contractuelle et à la nature exacte des services fournis.
Compte tenu des évolutions récentes et des incertitudes qui subsistent, il est vivement recommandé aux professionnels du secteur de solliciter, en cas de doute, un rescrit fiscal pour sécuriser leur situation et éviter tout redressement fiscal ultérieur.
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