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Les derniers mois ont vu des changements importants dans le domaine de la TVA appliquée aux locations immobilières. Dans cette édition, nous explorons les sujets de fond qui pourraient directement affecter vos activités locatives ou celles de vos clients. Nous vous proposons un tour d’horizon des récentes réformes et des implications à prévoir pour les acteurs de l’immobilier, avec un accent particulier sur les plateformes numériques de location courte durée.
À partir de 2025, les loueurs de meublés de tourisme, notamment ceux utilisant des plateformes comme Airbnb ou Booking, pourraient être soumis à la TVA. Cette mesure, adoptée en première lecture à l’Assemblée Nationale, pourrait évoluer avant son adoption définitive.
Les députés souhaitent réduire la concurrence entre les locations de courte durée et les locations de longue durée, qu’elles soient nues ou meublées.
L’objectif est de rendre le marché plus équitable, surtout dans les zones où l’offre locative se raréfie. Cependant, l’impact de cette mesure serait limité, car de nombreux petits loueurs pourraient être exonérés de TVA grâce à la franchise en base.
L’amendement impose la TVA uniquement aux « meublés de tourisme », tels que définis de manière limitative par la loi : des villas, appartements ou studios meublés, offerts à des clients de passage pour une durée limitée (à la journée, à la semaine, ou au mois), sans élection de domicile. Cette définition exclut les chambres d’hôtes et les chambres privées, qui ne sont donc pas concernées par cette nouvelle mesure.
Si la mesure devait devenir définitive, seuls les loueurs dépassant les seuils de la franchise en base seraient nécessairement soumis à la TVA. Ces seuils sont fixés à :
Ainsi, les opérateurs en dessous de ces plafonds pourraient bénéficier de la franchise de TVA. La mesure n'aurait dès lors d'impact que sur les opérateurs dont le chiffre d'affaires, au sein d'une même structure, est important. Or, ces derniers étaient souvent déjà à la recherche de l'assujettissement à la TVA par l'intermédiaire des mesures en matière de para-hôtellerie pour déduire la TVA sur l'acquisition du bien et des travaux.
Pour les opérateurs exerçant une activité de para-hôtellerie, cette mesure viendrait simplifier les obligations fiscales en matière de TVA.
Ils n'auraient plus à se soucier de la mise à disposition de services additionnels pour se voir appliquer la TVA. Ce cadre assujettirait donc l’activité en fonction du montant du chiffre d’affaires réalisé, sécurisant les pratiques fiscales des opérateurs.
Cela élargirait encore le champ d’application de la TVA sur les locations de logements meublés, s'inscrivant dans la continuité de la doctrine administrative de cet été (lien), qui a précisé les modifications législatives nécessaires pour aligner le texte français sur la Directive européenne.
En pratique, cet amendement entraîne ainsi un impact fiscal limité. Deux cas de figure se présentent :
Dans le secteur de la location touristique et hôtelière, la gestion de la TVA sur les sommes perçues en cas de non-présentation du client (no-show) nécessite une attention particulière. La distinction entre arrhes et acomptes est cruciale pour déterminer le traitement fiscal approprié.
Les arrhes sont des sommes versées lors de la réservation, offrant une possibilité de rétractation aux deux parties. Si le client annule, l'hôtelier conserve les arrhes à titre de dédommagement. Inversement, si l'hôtelier ne peut honorer la réservation, il doit restituer le double des arrhes au client. Selon la jurisprudence, les arrhes sont considérées comme des indemnités compensatoires et ne sont donc pas soumises à la TVA.
A contrario, les acomptes représentent un engagement ferme des deux parties. En cas d'annulation par le client ou de non-présentation, l'hôtelier conserve l'acompte, voire la totalité du montant de la réservation. La jurisprudence récente de la CJUE et du Conseil d'État a établi que les sommes conservées par le prestataire pour des services non consommés sont soumises à la TVA. Ainsi, les acomptes retenus en cas de no-show sont considérés comme la contrepartie d'un service rendu (la mise à disposition du bien) et sont donc soumis à la TVA.
Le 9 octobre 2024, le Conseil d'État a rendu deux décisions importantes confirmant l'assujettissement à la TVA des sommes perçues en cas de no-show dans le secteur hôtelier. Les décisions précisent que les montants retenus par l'hôtelier, même s'ils concernent une partie du prix seulement du séjour, constituent une contrepartie pour la mise à disposition de la prestation d'hébergement lorsque le client ne se présente pas sans annulation préalable, et ce, indépendamment de l'utilisation effective du service.
Cependant, le Conseil d'État précise que si le client a fait usage de la faculté de dédit prévue contractuellement, les sommes conservées peuvent être considérées comme des indemnités forfaitaires de résiliation non imposables à la TVA. Cette distinction souligne l'importance de la rédaction des conditions générales de vente et de la nature des sommes perçues lors de la réservation.
Il est essentiel pour les hôteliers et les loueurs de biens immobiliers de correctement qualifier les sommes perçues lors des réservations. Une mauvaise qualification peut entraîner des redressements fiscaux significatifs.
Dans le cadre de l’initiative "VAT in the Digital Age" (ViDA), le Conseil de l’Union européenne a récemment approuvé des mesures majeures visant à moderniser le régime fiscal pour les plateformes de location de courte durée. Ces réformes, qui auront un impact notable sur le secteur de la location immobilière, en particulier pour les plateformes numériques facilitant la location, doivent encore faire l’objet de discussions et de validations au Parlement.
Rôle accru des plateformes numériques
L'une des mesures clés de ViDA concerne les plateformes numériques qui facilitent la location de biens immobiliers. Désormais, ces plateformes seraient considérées comme "acheteur vendeur" pour les locations de courte durée, les rendant responsables de la collecte et du versement de la TVA sur ces transactions à la place des loueurs.
Cette disposition vise à minimiser les risques de fraude et éviter des distorsions de concurrence entre le secteur de la location immobilière et les hôtels.
Ce régime sera optionnel pour les Etats entre 2028 et 2030.
Possibilité d'exemption pour certains opérateurs
Les États membres conservent une certaine flexibilité grâce à une option d'"opt-out". Cette disposition permettrait aux pays d'exclure certains opérateurs de l’obligation de collecte de TVA, notamment les petits prestataires ou ceux communiquant un numéro de TVA afin de limiter la charge administrative sur les plateformes.
En l'absence de cette option, les opérations réalisées par des loueurs franchisés à travers des plateformes pourraient être assujetties à la TVA, même si le loueur lui-même bénéficie d'une franchise en base de TVA. Cela signifie que les transactions effectuées par le biais des plateformes pourraient faire l'objet d'une taxation, indépendamment du statut de franchise du loueur individuel.
Traitement des locations de courte durée comme des services hôteliers
Le texte, qui devra être validé par le Parlement européen dans les prochaines étapes, prévoit également que les États membres devront traiter les locations de courte durée (moins de 30 jours) de manière similaire aux services hôteliers en matière de TVA, reconnaissant ainsi la concurrence entre ces deux types d’hébergement.
Cette mesure vise à rétablir une équité fiscale entre les plateformes de location et le secteur hôtelier, souvent soumis à des règles fiscales plus strictes. Toutefois, le texte permet aux Etats d'exclure certains opérateurs.
Cela pourrait n'avoir aucun impact pour des Etats comme la France.
Avocat associé
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